top of page
  • Photo du rédacteurKerblaisy team

Traversée de l’Atlantique d’Ouest en Est – 2ème partie

Dernière mise à jour : 30 juin 2020

Si la première moitié du voyage est passée relativement vite, la seconde partie est marquée de coups de bambou pour l’équipage, qui n’est pas encore rendu au vent de la bouée !

Ça refuse

Les jours suivant sont un peu durs au mal. Les grains font swinguer les voiles et les coups de winch vont bon train, surtout la nuit pour réduire la toile, troublant par la même occasion le sommeil des équipiers hors-quart. Le vent est joueur et nous fait tourner bourrique avec des angles très variables, nous éloignant de notre objectif pourtant encore bien loin. Impossible de faire route directe vers les Açores.

Un virement est prévu par Guigui, mais nous ferons les mauvais élèves en continuant notre route vers le nord : trop dur pour le moral de virer et faire cap vers le Cap –Vert ! A ce rythme là, Kerblaisy va finir par arriver au Groenland si le vent ne nous aide pas un peu…


Les miles ne défilent pas vite et, avec la fatigue des nuits agitées, c’est difficile a d´en voir le bout. L’un de mes réconforts est d’admirer les couchers et levers de soleil sur l’horizon, témoins des journées qui passent les unes après les autres et enveloppant l’esprit d’un moment de béatitude chaque fois unique. L’un des petits plaisirs de la fraîcheur qui nous rattrape est aussi d’apprécier la chaleur d’un thé brulant entre les mains, accompagné d’un petit carré de chocolat.

Nous croisons régulièrement des cargos, souvent la nuit, ce qui nécessite une veille attentive et parfois l’établissement d’un contact VHF pour confirmer leurs intentions. La plupart du temps, ils se déroutent d’eux même. C’est tout de même sympa de croiser du monde sur l’eau, même des gros tas de ferraille… La nuit, la poupe de Kerblaisy trace un sillage lumineux, marqué par le plancton phosphorescent.


Depuis plusieurs jours, nous sommes aussi surpris de voir des centaines de sortes de méduses très venimeuses, les physalies - aussi appelée "galères portugaises"- . Elle se laissent dériver en flottant à la surface de la mer, grâce à un flotteur rose-violet, portée par les courants. C'est impressionnant et à la fois inquiétant d'en voir autant ...

Copyright @lexpress

Pétole quand tu nous tiens !

J+12- Cette nuit, on a gagné un peu de terrain vers l’est, c’est encourageant, même si les rechutes sont fréquentes au cours de la journée. Nous voyons sautiller autour de nous nos premiers bancs de thons ! Vite, les deux lignes à l’eau. La pêche est bien faiblarde et un poisson pour le dîner ne serait pas de refus !

Bon, le bateau est quand même scotché, et on ne va pas assez vite pour pêcher du thon. On soupçonne fortement le courant d’aller en sens contraire et de nous ralentir…


En fin de journée, le soleil perce l’épais draps nuageux qui recouvre le ciel et un banc de dauphins (les premiers depuis 10 jours !) chassent non loin du bateau. Il parait que les dauphins suivent le courant et indiquent la route à suivre… Un bon présage ?

Les jours et nuits qui suivent la pétole, nous rattrape. Nous sommes au cœur de l’anticyclone, ce n’est pas une surprise. Comme l’a très bien résumé Rémi, « c’est un gros chat et nous, on est une toute petite souris et on ne peut pas se cacher pour lui échapper ! ».

D’après Guigui, il nous reste encore 7-8 jours de mer…


J+14- Ces jours de pétole sont l’occasion de mettre à profit les activités remises à demain dans des conditions agréables. Le bateau n’avance pas et néanmoins, je me surprends à apprécier ce temps qui m’est offert et qui reste unique, sans contraintes ou presque, si l’on compte son quart de veille comme un rendez-vous. C’est dans ces moments là que je me rends compte du chemin parcouru, du lâcher-prise dont j’ai réussi à m’imprégner, jour après jour. Le temps ne m’angoisse plus. Comme dirait Nicolas Bouvier « Vous ne faites pas un voyage, c’est le voyage vous fait ».

Ce soir, nous sommes récompensés de notre patience. C’est mon quart de nuit et Rémi veille un peu à mes côtés. Le soleil est au couchant et ses lumières basses épousent l’horizon. Des éclaboussures au loin, nous promettent l’arrivée imminente d’un banc de dauphins ! C’est le bouquet final de la journée : 7 dauphins tachetés dont 2 petits surfent la vague d’étrave de Kerblaisy. L’émotion me prend et je me rends compte de la chance que nous avons de vivre ces moments là tous les deux.

Cette nuit-là, la sérénité du ciel étoilé me procure un apaisement indescriptible. Les étoiles ont le don de suspendre le temps.


Tout shuss vers la terre promise

J+15 – Surprise ce matin, le baromètre a commencé à redescendre ! Nous sommes sortis du centre de l’anticyclone et donc de la pétole. Un mail de Guigui ce matin nous confirme que le vent va regonfler les voiles de Kerblaisy. Nous devrions croiser la route d’une dépression qui va nous amener avec un vent d’ouest et donc portant (de derrière) vers Horta.

Et effectivement, c’est une belle journée de spi qui nous attend. Les miles défilent au compteur, c’est bon de voir la latitude ouest diminuer !

Le vent monte progressivement et la mer devient de plus en plus agitée. Nous sommes au portant, mais le bateau gigote désormais de droite à gauche, comme un bilboquet. A l’intérieur, il faut tout caler et changer les habitudes de rangement prises au près (vent de face) où le bateau gite d’un côté et où tout trouve sa place « sous le vent ».

Sous spi !

J+16 – Voile en vue ! Un petit coup de VHF permet d’établir la connexion avec un gros catamaran américain, qui arrive de République Dominicaine, conduit par un équipage de 7 marins. C’est drôle cette sensation de croiser « quelqu’un » au milieu d’un océan, comme un heureux hasard qui nous rapproche un peu de la terre.

C’était la journée de la douche hier pour Rémi, qui a enfin retourné son caleçon :-) .

Horta se rapproche à vue d’œil avec des surfs à 8-9 nœuds : on déboule dans une houle formée qui arrive de l’ouest !


Kerblaisy est bien accompagné pour ses derniers jours de mer. Hier soir, nous avons encore eu droit à une parade de grands dauphins à l’étrave et ce matin, un bébé tortue à la dérive à frôlé la coque du bateau.


« Cette nuit sera longue à devenir demain » (J.Brel)

Les derniers jours se suivent …et se ressemblent un peu… Kerblaisy avance bien et en route directe, et même si les miles défilent toujours, ils semblent plus longs qu’avant

Chacun commence à tourner un peu en rond dans ses activités de prédilection et on commence à sortir les boites de conserve pour la cuisine. La pêche est toujours nulle, malgré la bonne volonté de Rémi qui a fabriqué, plein d’espoirs, une 3ème ligne.


On a tous commencé à étudier le chapitre des Açores du Guide des Iles de l’Atlantique, même si pour l’instant, on ne sait pas s’il sera possible de mettre pied à terre.


La nuit dernière, nous avons eu droit à l'un de ces très beau ciel étoilé. Il suffisait de lever les yeux au ciel pour apercevoir une étoile filante. C’est incroyable, sans la pollution lumineuse, de pouvoir voir autant de détails dans la voie lactée... Ces ciels dégagés promettent souvent des levers de soleils très épurés, que l’on admire avec beaucoup d’humilité. J’aime tellement ces moments où le ciel se réveille sur l’océan.

La bascule

Pour une bascule, c’était une vraie bascule. Nous l’attendions depuis 19h et c’est à 00h qu’elle s’est invitée franchement dans nos voiles. Le compas s’est emballé d’un seul coup, passant du sud ouest au nord ouest en quelques minutes et  montant dans les tours. Une allure au près dans houle formée , transformant le bateau en marteau piqueur, a laissé peu de répit à l’équipage.

Au programme de la dernière journée : sieste et pêche! Toutes les lignes sont à poste dans l’espoir de pêcher un dernier poisson. Malheureusement c’est un énergumène à plume qui finira au bout dune des lignes. Des groupes d’oiseaux sillonnent et s’acharnent à vouloir gober nos poulpes orange fluo. L’un d’entre eux s’est pris l’aile dans la ligne et a finit étranglé par le fil... il est mort sur le coup.


Ce midi, terre en vue! c’est Flores, elle fait partie de l’archipel des Acores et est située à 130 miles de Faial. Nous ne nous y arrêterons pas à regrets. Compte tenue de la situation actuelle, nous ne savons pas encore quelles sont les conditions d’accueil aux Acores.

Le premier quart de la nouvelle lune apparaît pour notre dernière nuit en mer, comme un sourire de bienvenue. A l'AIS, c’est la cohue, on y voit des dizaines de bateaux ! Une

veille attentive est au programme cette nuit.

A la fin de mon quart, je m’endors comme un enfant qui attend le matin de Noël avec impatience . Demain c’est le grand jour ! Le manque d’activité physique commence à se faire sentir , même si j’ai quotidiennement effectué mes petites séries d’exercice de renforcement musculaire. Cela ne remplace pas un bon footing.. ces dernières nuits j’ai rêvé à plusieurs reprises que je gambadais dans la campagne. Mes pieds sont en grand manque de terre mais, à cette heure, nous ne savons toujours pas si nous allons pouvoir débarquer !


Mes attentes ne sont pas déçues. A mon réveil, nous longeons la côte nord de Faial, avec une vue imprenable sur Pico et son sommet, connu des marins qui transantent. Pour fêter ça, Rémi a fait des pancakes pour le petit déj’.

Une horde d’oiseaux, les goélands locaux, poursuivent sans relâche nos lignes et relèvent nos poulpes dans les airs. Le port de Faial en vue est à 6 miles. Le vent est léger, mais c’est avec une intense patience que je prends la barre et profite avec émotion de ces dernières heures de glisse.


Kerblaisy et son équipage poseront l’ancre à 11H TU dans l’avant port d’Horta, épuisés mais heureux, après 20 jours et 20 heures de mer.


Nous tenons à remercier Tomtom, notre régulateur d’allure, qui nous a grandement facilité la vie en barrant à notre place et a assuré avec fougue et sans relâche ou presque, son poste de barreur émérite.


Comité d'accueil exceptionnel du Peters Café !
Kerblaisy au mouillage à Horta, vue sur le Pico


213 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page