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  • Photo du rédacteurKerblaisy team

Cap au 55°, sur Horta ! – 1ère partie

Dernière mise à jour : 25 juin 2020

Une traversée qui n’aura pas entaché sa réputation et nous aura tenus en haleine jusqu’au bout…

La « transat retour » est effectivement beaucoup moins fluide que la « transat aller ». SI en route directe, jusqu’aux Açores, la distance est sensiblement égale à celle séparant le Cap-Vert des Antilles, elle est pourtant bien plus longue. Cela s’explique par un système météo plus complexe, une approche de la période cyclonique au départ, du vent souvent de près (de face) et donc l’obligation de tirer des bords pour avancer (donc de faire plus de route) et des risques de zone sans vent dans le fameux anticyclone des Acores.

La durée de la traversée à prévoir se situe entre 20 et 25 jours. Il restera ensuite une dizaine de jours pour rallier le continent …

L'équipage au complet
L'équipage au complet

Mise en jambe difficile

Nous avions en tête que les premières heures ne seraient pas les plus faciles car nous partions dans un vent soutenu au près. Effectivement, l’équipage n’a pas été ménagé pour son entrée en matière : 3 ris à la GV (réduction de la surface de la voile au maximum) et solent à poste à l’avant. Kerblaisy serre rigoureusement le vent dans une mer formée générant des paquets d’eau sur le pont, avec un vent à 20/25 nœuds qui nous accompagne les 3 premiers jours. Nous péchons notre première dorade coryphène au bout de quelques heures !

Si les garçons tiennent bien la marée, de mon côté, je suis en plein combat dans ma tête et dans mon corps. J’arrive à manger sans vomir, en revanche, je suis vaseuse toute la journée. Les quarts sont durs à tenir, je n’ai envie de rien à part dormir et me sens dans un état similaire à la dépression. C’est un mal de mer « stade 2 », selon Bertrand. J’essaie de ne pas trop penser, et surtout pas au temps qu’il reste à passer en mer. Le 4ème jour, je me sens mieux et reprend du poil de la bête.

J2- Ce matin, un banc de dauphins accompagne le lever de soleil aux lueurs rougeâtre.

Fin de journée, une voile au loin, se rapproche de nous ! Nous établissons un contact VHF, dans un anglais timide « Sailing vessel sailing vessel sailing vessel for Kerblaisy ». Un retour d’appel en français nous facilite grandement la tâche. Nous passons une demi-heure à papoter avec Alfonso, qui ramène seul (!) son bateau en Bretagne, avec une escale à Horta. Les deux bateaux tirent un bord amical pendant quelques minutes et Alfonso sort à l’avant du bateau, en slip et sans gilet de sauvetage, nous saluer et immortaliser le moment.


J3- La météo n’épargne pas non plus Kerblaisy. Au lever du soleil, un cri de Rémi me serre le cœur et me fait sauter de ma bannette. La grand voile s’est déchirée sur près d’1m50… Par chance, la déchirure est située entre le 2ème et le 3ème ris, nous pouvons encore utiliser la voile en la réduisant au maximum. La mer est toujours hachée et le bateau s’écrase et tremble de toute son étrave à chaque passage de vague. Traverser le bateau pour aller aux toilettes ou faire la cuisine est digne d’un vrai parcours du combattant.


J4- Pendant mon quart de nuit (nous tenons des quarts, nuit et jour, de 3h chacun pour veiller sur le pont), j’aperçois un bateau, sans feux de navigation. Nous avons éteint notre AIS (balise émettant notre position aux bateaux autour de nous) par soucis de préservation des batteries. Je me signale par des appels lumineux avec un projecteur puissant (merci Fanf'!). Celui-ci finit par établir un contact VHF sur le canal 16, en anglais. C’est un allemand qui traverse avec ses 2 enfants et son chien ! Il m’annonce « a storm » qui arrive des Etats-Unis, qu’il va éviter en tirant des bords vers l’est. Pas très rassurant, mais on fait confiance à notre routeur qui nous confirme qu’on peut continuer la route sans risque au nord.


La fin de nuit et la journée qui suivent sont particulièrement capricieuses et alimenteront les discussions de comptoir avec les copains au retour ! Nous essuyons 11 grains en 12 heures, oscillant de 0 à 30 nœuds. Une bonne partie de manœuvre ainsi que l’occasion de se laver et de stocker de l’eau de pluie pour les prochaines douches.

Spi, sun and dorade

Les jours suivant, Mère Nature nous offre un peu de répit. Depuis l’épisode de la grand voile, ça cogite fort dans la tête de Rémi, qui a murit le plan d’attaque des réparations. Cette accalmie est une belle occasion pour faire tomber la voile et la réparer.

Pour nous éviter de rester scotchés, Rémi revoit ses classiques de planchiste et imagine un envoi de solent à la place de la GV avec un point d’amure au pied de mat en utilisant la bôme comme un wishbone. Et… ça fonctionne ! Kerblaisy repart de plus belle avec une vitesse des plus honorables. Pour réparer notre voile, il est mieux d’être à plat et d’être au sec. Pas d’autre choix que de cohabiter avec elle pour quelques heures à l’intérieur du bateau. Pendant ce temps là, les affaires reprennent au bout de la ligne de pêche et c’est une 2ème belle dorade qui finit sur le pont !

Réparation de la GV dans le bateau : sika/insigna !
Grand voile de fortune : solent en mode planche à voile!

Le lendemain, le vent tombe. Les garçons s’activent dès 5h pour remettre à poste la voile et envoyer le spi ! Kerblaisy repart à fière allure. Une fière allure de pirate avec sa GV balafrée et cicatrisée au sika/insigna. Le vent en poupe et le bateau à plat, l’opportunité parfaite pour enfiler une tenue de sport et de se remettre au yoga.


Dans la nuit, le temps se gâte. Au large, cette sensation d’être encerclés de nuages, à 360°, m’impressionne toujours. Cette visibilité souvent permet d’anticiper les perturbations. Et c’est de nouveau le déluge avec un beau grain qui rince le bateau et Bertrand, de quart à ce moment là. C’est le front chaud de la dépression sur laquelle on surfe, qui ne fait que passer.


Rencontres de plumes et d’acier

Si peu d’animaux marins ont croisés l’étrave de Kerblaisy pour l’instant, nous avons recueillis Rodriguez, un petit oiseau de terre perdu en mer, sans doute embarqué dans le vent de la précédente dépression. Nous sommes à 1000 miles des côtes ! Épuisé mais débrouillard, il passe le test pour embarquer à bord en s’installant à la barre. La fatigue aura pourtant raison de cette petite boule de plume quelques heures plus tard, moi qui me faisait déjà une joie d’avoir un nouveau compagnon à bord.


J+8- Après une belle journée sous spi, le vent tombe complètement et nous essuyons notre première vraie pétole. Le moteur vient rompre le silence de la nuit et interrompre la valse fluide des flots sur la coque de Keblaisy. On le surnomme « le bourrin » et il porte bien son nom. S’il me rassurait au début car il était pour moi synonyme de route directe et donc d’arrivée rapide, j’ai désormais appris à craindre le son strident du préchauffage de la bête.


Au petit jour, pas une ride sur l’eau à l’horizon. On est toujours sous les tropiques et les shorts et maillots de bain sont encore de sortie. Une pause moteur s’impose et quitte à ne plus avancer, autant se baigner ! L’eau est toujours à bonne température et nous retrouvons ce bleu profond et hypnotisant qui n’appartient qu’au large. Les bulles fines et gracieuses générées par les plongeons au milieu de cette eau transparente, ont quelque chose de magique. Rémi lance une course de crawls autour de Kerblaisy, histoire de délier un peu les muscles endoloris par les mouvements raides du bateau.


Séchage général à bord de Kerblaisy

Ici les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. La baignade du matin paraît bien loin à 17h, quand le ciel se couvre et la mer s’agite à nouveau. Les sensations de mal de mer des premiers jours reviennent à la surface de mon estomac. Des orages encerclent Kerblaisy éclairant l’horizon de milles feux. C’est beau et angoissant à la fois, mais ils sont encore loin de nous.


La nuit est agitée et l’équipage fatigué, n’est pas au bout de ses surprises.

A 6h30, coupure d’électricité générale dans le bateau. Plus de position GPS, d’AIS, de VHF, de feux de nav, plus rien, nada, walou ! Quelques minutes plus tard, Bertrand, de quart, écarquille les yeux devant un cargo monstrueux qui déboule à 16 nœuds, en route de collision avec Kerblaisy. Il est à moins d’un mille et aucun moyen de le contacter par VHF pour lui demander de se dérouter. Au dernier moment, il dévit sa trajectoire pour éviter de nous percuter de plein fouet. Rémi rétablit l’électricité et revêt son plus bel accent anglais pour remercier chaleureusement le capitaine du Wallenius Wilhelmsen. L’origine de la panne restera un mystère.


Bientôt l’anticyclone des Açores ?

Le baromètre monte tout doux depuis quelques jours nous annonçant notre approche de l’anticyclone des Açores. C’est rassurant car on a plutôt l’impression de foncer vers une dépression, si l’on s’en tient aux conditions météo actuelles ! La mer est toujours hachée avec un vent de secteur sud-est et l’anémomètre refuse de descendre en dessous de 22 nœuds.

A ma prise de quart, le vent ne fait que monter et un grain menaçant nous rattrape. L’anémo s’affole. 27 nœuds, 32, 33… « Euhhhh Rémi tu peux venir voir là, ça grimpe vraiment fort !! » Ça continue de grimper, 36, 37, 38 nœuds. On part en fuite vers le nord, pour le laisser passer.


Le lendemain midi, le vent commence à retomber, comme l’avait prévu Guigui. C'est d'ailleurs devenu une des phrases clefs de nos communications entre équipiers aux passations de quarts : "Ça a mollit un peu là non ?".

Un jour sur deux, il nous envoie un mail avec le cap à suivre pour les prochaines 48h. On attend les nouvelles comme des gosses, avec impatience : « CLAIRE, BEBER !! GUIGUI A ENVOYE UN MAIL !! ».


Le vent finira par mollir dans la journée du 13 juin et le soleil à revenir, réchauffant le cœur de l’équipage. L’occasion de faire sécher les affaires entassées dans le bateau et de dédier du temps à nos activités extra-nautiques. Depuis plusieurs jours, sur l’eau, les sargasses compromettent notre pêche. Nous croisons régulièrement des déchets flottants (polystyrène, caisse et bouteilles plastiques, etc).

Beber nous initie à l’utilisation du sextant prêté par Loïc, pour trouver notre position à l’aide du soleil. Pas facile facile, ça bouge, il faut être patient et précis mais aussi bon en calcul mental pour ensuite reporter tous les relevés et calculer latitude et longitude. Ouf, en cas de panne des instruments, on pourra se repérer !


J+10- Ce soir, c’est soir de fête on sort les BAM fraîches (bières artisanales brassées en Martinique), les pop-corn, le pâté et Rémi a même fait un pain pour l’occasion : nous sommes au milieu de l’Atlantique. Le baromètre indique 1026 hPa, pas de doute, on est dans l’anticyclone. Kerblaisy se trouve sur la même latitude que les Bermudes et a parcouru près de 1250 miles en 10 jours. Il nous reste désormais un peu plus de 1000 miles en route directe.


C’est la bonne occasion de changer d’heure, et de se mettre au fuseau des Açores, à 3 heures de plus, qui est aussi l’heure « TU », (temps universel : celle sur laquelle on se base pour communiquer nos positions à Guigui et avoir la même référence).

Désormais, les soirées commencent à se refroidir. On a rangé la crème solaire et ressortis les polaires. Prochaine étape, bonnet et chaussettes !


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