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  • Photo du rédacteurKerblaisy team

Confinement flottant en Martinique

Dernière mise à jour : 11 avr. 2020

Les Antilles ne sont pas épargnées par le désormais fameux virus qui ne fait que parler de lui depuis quelques semaines.

Avec peu d’accès aux réseaux, notre retour des Grenadines nous a coupé l’herbe sous le pied.


Retour à la réalité

C’est un français qui nous a évoqué la fameuse épidémie en cours, lors de nos emplettes au marché de Bequia. « Vous avez des italiens à bord ? » « Pardon ? » « Oui, vous n’êtes pas emmerdés pour les clearance (procédure d’entrée sur les îles) avec le Coronavirus ? « Le CoronaQUOI ??? »

Nous avons tout de même eu la chance de pouvoir recevoir à bord Fanfi et Maelle in extremis, médecins tous les deux, pour une semaine en demi-teinte, avec la crainte de voir la situation s’aggraver.


Trois jours sans connexion, nous avons repris contact avec le monde quelques heures avant l’allocution de Macron annonçant le confinement. Douche froide pour tous les 4. Comment était-ce possible ?

Nous avons déposé nos deux amis sur l’île de Sainte Lucie, d’où décollait leur avion pour Londres. L’opportunité de visiter, enfin, cette île que nous avions longé à plusieurs reprises se présentait bien. C’était sans compter la fermeture des entrées pour les clearance et l’hostilité des locaux à accueillir des européens. Décidément, cette île n’aura jamais voulu de nous ! Kerblaisy s’élance donc à belle allure dans le canal de Sainte Lucie pour rejoindre la Martinique.


Notre arrivée dans la baie du Marin nous sidère. Tout paraît si… immobile, si vide de vie ! Les mats semblent s’être entassés par centaines à Sainte Anne et au Marin. Si bien que nous mettront plus d’une heure à trouver un trou de souris pour mouiller notre bateau.

Le confinement est de mise ici aussi, nous tombons des nues… Nous pensions un peu naïvement être épargnés par la distance. La Martinique est en stade 1 pour l’instant, m ais toutes les précautions sont prises.

Nous retrouvons avec soulagement nos amis sur TOOBA, avec qui nous avions pris le départ de la transat. C’est bon de retrouver des visages familiers dans une situation pareille.

Eux ont décidé de filer au nord, vers Tartane, avant l’interdiction de naviguer. Les mesures ont 24 /48h de différé avec la France et cette restriction ne saurait tarder.

Nous avons du pain sur la planche avant d’être en mesure de les rejoindre ! Avitaillement, remplissage des tanks, pleins d’essence et de gazoil, clearance d’entrée, poubelles, lessives…


Un dernier mouillage à Saint Anne le lendemain avant un départ aux aurores s’impose. Nous en profitons pour aller gambader un peu sur le chemin qui borde la baie de Saint Anne, puis nager. Un hélico patrouille à ce moment-là pour vérifier que les gens respectent l’interdiction d’aller sur les plages et reste en stationnaire plusieurs secondes -qui me paraissent de longues minutes- au dessus de moi. Je suis tétanisée !


Mode Robinson Crusoé activé

Le lendemain, nous quittons notre mouillage à 6h pour une navigation de 7h au près le long de la côte est de la Martinique. Destination Presqu'île de la Caravelle ! Ce petit coin de paradis devrait être notre nid pour les prochaines semaines. Une petite dizaine de voiliers ont déjà établi résidence temporaire dans la baie, dont notre copain bateau Tooba.

L’ancre se pose dans 6 mètre de fond et une eau un peu trouble.


Nous sommes chanceux. Cet endroit paisible nous permet de débarquer sur la petite plage bordée de mangrove et d’aller marcher et courir un peu dans le parc de la presqu’île. L’endroit est désert. Nous n’avons pas de contacts, ou de loin, avec les autres plaisanciers. Les seuls avec qui nous gardons un lien social sont les Tooba.


Même si, pour une fois elle n’est pas choisie, la mise en quarantaine nous est finalement assez naturel. Nous sommes rodés à l’exercice, c’est un peu comme une transat : stocks de nourriture pour 10 jours, restriction d’eau, confinement à bord, liste des activités et pile de bouquins prêts à être dévorés !

Les seules différences finalement, ce sont l’absence des quarts de nuit, du ballotement de la houle et la possibilité de faire du sport ! Nous avons la chance d’avoir un immense jardin pour se vider la tête et s’occuper.


La liste des projets nous promet un confinement dénué d’ennuis : déco et bricolage sur le bateau (la liste ne désempli jamais !!!), yoga, fitness, course à pied, nage, plongée, lecture, écriture, dessin, cuisine…

Cela fait quatre ou cinq jours que nous sommes ici, et nous nous sentons un peu l’âme de naufragés sur une île déserte. Nous sommes allés chercher du bois flotté aujourd’hui sur la plage d’à côté, pour optimiser quelques aménagements du bateau et cueillir des noix de coco.

Tout est si calme et si désert. Un hélico de la gendarmerie patrouille régulièrement au dessus du mouillage pour vérifier que les plages sont vides.


A l’abri sur notre bateau, la présence du soleil, des cocotiers et des Bernard Lhermitte ne suffisent pourtant pas à atténuer notre angoisse. Celle de nous savoir loin de nos proches et des risques encourus, de ne pas être en France, tout simplement.


Mission ravitaillement

Cela fait maintenant presque 3 semaines que nous sommes confinés sur nos voiliers. Notre petite communauté de plaisanciers s’est soudée, après avoir respecté une dizaine de jours de quarantaine. Nous échangeons autour d’une bière de temps à autre, et les coups de main vont de soi, entre conseil bricolage ou avitaillement des uns des autres au compte-goutte. Je troque aussi quelques cours de yoga contre une initiation à la réflexologie plantaire avec ma voisine.

C’est bon d’être entouré et de retrouver un petit équilibre social.


Sur Kerblaisy, les jours de confinement se suivent mais ne se ressemblent pas. Je me laisse encore surprendre par la créativité de nos activité, mais aussi par tout ce qu’il est possible de faire dans un si petit espace ! J’apprécie ce rapport au temps, celui qui permet au cerveau de se libérer de ses contraintes et de laisser libre court à ses envies.

Ces derniers jours, nous avons deux nouveaux projets : un "atelier noix de coco « , où nous taillons ces jolis coques en bois sous toutes ses formes pour en faire des vases, des bols, des portes-savons.. et un atelier mobile en coquillage et bois flottés. Nous avons déjà en tête le prochain-, qui sera surement d’organiser une petite régate contre les copains du mouillage avec des maquettes de bateaux fabriquées grâce aux laisses de mer !


Nous avons dû bouger notre voilier, pour aller faire un gros plein de nourriture. Après 12 jours d’autonomie nous sommes à sec en produits frais ! Grosse mission débarquement en annexe sur une plage gorgée de sargasses, de vase et d’un ressac rendant sportif notre "beachage". Le supermarché est juste derrière la petite forêt qui borde la plage.

C’est retour à la réalité illico, après notre isolement « nature ». Sur le parking nous attend 100m de double queue de gens masqué, gantés et méfiants. Notre mission alimentation durera près de 3h, sans compter le chargement d’un caddie plein à craquer, dans notre annexe malmenée dans le clapot, les pieds envasés.


Aujourd’hui, nous avons fait un petit plein d’eau opportun. La solidarité fait foi de la situation et un local a accepté de remplir 60L d’eau, nous permettant de renflouer un peu les stocks.

Introspective vers la résilience

Que tirer de tout ça ? Nous sommes en plein virage et personne ne voit de l’autre côté de la route. Notre seule option aujourd’hui est celle d’être dans l’instant présent, sans savoir ce que demain nous réserve. D’essayer peut-être de profiter de ce moment qui nous est imposé, pour voir le monde un peu différemment, un peu plus clairement.


Chaque rouage du système est mis à nu, qu’il soit médical, économique, environnemental mais aussi humain. Les dégâts d’aujourd’hui seront peut-être les bénéfices de demain, et inversement. Nous sommes tous confrontés à nous même, à nos idéaux, à nos questionnements.

Comment ne pas remettre en cause le système global, puisque nous avons la preuve qu’il n’est pas durable ? Comment apprécier cette bulle d’air pour la planète et pourtant craindre le retour brutal de la vie « normale » ? Comment continuer de rêver à un monde plus juste en ayant à l’esprit qu’il faudra aussi réparer les dégâts économiques de cette situation ?

Durant cette introspective forcée, j’essaie de ne pas paniquer, je cherche des réponses... J’essaie d’inventer positivement ce que sera « mon » demain.


A travers cette privation de liberté physique que nous vivons tous mais que nous acceptons, ce confinement ne nous libèrerait-il finalement pas de l'intérieur ? Ce temps passé entre 4 murs ne ferait-il pas tomber ceux que nous avons érigés dans nos têtes ? N'est-ce pas le bon moment de rêver, de s'évader, différemment ?

Il y a 1 mois, personne n'imaginait risquer une amende en sortant pour acheter une baguette ou aller vider ses poubelles ! Cela nous aurait semblait complétement insensé ! Et pourtant, nous l'acceptons tous et c'est devenu notre quotidien.


Et si c'était le bon moment pour coucher sur un papier, ce que sont nos utopies de demain? « Les utopies, ce sont des choses qui n’ont jamais existé pour l’instant. C’est ce qui est, non pas irréalisable, mais irréalisé.*». Et si c’était le bon moment d'écrire noir sur blanc, tous les moyens possibles pour y arriver. D'écrire le monde et de le réaliser.


Mon utopie à moi, serait de voir un monde où la Nature aurait autant de droits que l'Homme, où ce dernier aurait abandonné avec résilience son instinct de domination et de pouvoir, au profit d'une société de partage et d'échanges, de découverte et d'émerveillement. Un monde ou chacun prendrait conscience de la fragilité de l'écosystème qui l'entoure. Un monde en équilibre avec lui-même, où les ressources naturelles seraient utilisées avec bienveillance et respect. Un monde qui n'aurait plus peur de demain et qui visualiserait avec confiance son futur s'ouvrir devant lui.


*Sandrine Roudaut, L’utopie Mode d’emploi.

« Les problèmes du monde ne peuvent être résolus par des sceptiques ou des cyniques dont les horizons sont limités par les réalités évidentes. Nous avons besoin d’Hommes qui peuvent rêver de choses qui n’ont jamais existé. » KENNEDY

Notre nouveau camps de base :


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